Ouest vosgien : la création d’un comité de veille socio-économique suggérée par Christian Franqueville
Après l’épilogue le 23 octobre dernier de plusieurs mois d’une mobilisation historique des salariés de Nestlé Waters (revoir notre reportage), le maire de Bulgnéville Christian Franqueville a adressé aux autres élus de la plaine des Vosges le courrier ci-dessous dans lequel il leur suggère de créer et de participer à un comité de veille socio-économique, en collaboration avec de nombreuses autres personnes en responsabilité.
“La situation conflictuelle chez Nestlé Waters vient de faire l’objet d’un accord bon gré mal gré entre la direction et les partenaires sociaux, laissant néanmoins à l’ensemble des salariés des perspectives nouvelles quant aux conditions dans lesquelles vont se dérouler, au cours des prochaines semaines, les suppressions d’emplois effectivement décidées par la filiale de Nestlé sur notre territoire.
Ces avancées paraissaient impossibles à obtenir au moment où les premières annonces ont été faites. Si les différentes organisations syndicales se sont rassemblées, dès le début, dans un objectif ambitieux de sauvetage des emplois menacés, leur démarche vers le “ zéro licenciement ” peut effectivement être saluée au vu du résultat obtenu grâce aux négociations. Cette action soutenue par la population et la mobilisation conjointe d’élus du secteur démontre qu’il n’est pas impossible de contraindre ce grand groupe à prendre en compte le facteur humain dans son raisonnement financier.
Pour autant, je demeure convaincu que notre démarche de représentants des communes doit être poursuivie et, dans cet objectif, j’appelle les élus de la Plaine des Vosges à s’organiser en vue de créer une structure légère et néanmoins efficace sous la forme d’un comité de veille et d’anticipation socio-économique dont la mission sera d’anticiper les pertes d’emplois, tant privés que publics, par la recherche et la promotion d’activités innovantes qui participeront à l’attractivité de la Plaine des Vosges, dont le tissu économique s’étiole progressivement sans susciter grande réaction de la part des pouvoirs publics compétents insuffisamment interpellés.
Les 253 communes de la 4e circonscription sont véritablement le “parent pauvre” des Vosges
Il ne faut pas se leurrer, nous pouvons craindre que les difficultés économiques observées aujourd’hui chez Nestlé Waters viennent demain à toucher d’autres entreprises sur la Plaine : crainte d’autant plus fondée lorsqu’on subit déjà des pertes dans les services publics et que d’autres menaces pèsent encore, entre autres sur les transports collectifs, la santé et la fermeture des urgences de l’hôpital de Vittel qui fragiliserait la survie des hôpitaux de Neufchâteau, Mirecourt ou encore Lamarche.
Ce constat est symptomatique d’une spirale qui n’a malheureusement rien de vertueux, mais démontre bien que les pertes d’activités économiques et en termes d’emplois (3000 chez Nestlé Waters) ont durablement fragilisé notre territoire et contribuent incontestablement à la baisse démographique et au vieillissement de la population de notre secteur.
C’est pourquoi, de toute urgence, il est de notre devoir d’agir de concert et de nous unir afin de faire entendre notre voix auprès des représentants de l’Etat et de la Région Grand Est pour exiger le maintien de nos services publics et la mise en œuvre d’un véritable plan de relance économique qui développera, mettra en réseau nos différentes filières et attirera aussi des industries nouvelles relevant notamment des économies environnementales et du futur, qui restent aujourd'hui le privilège quasi exclusif du chef-lieu du département.
De mon point de vue, nous satisfaire de devenir un territoire soumis à des producteurs (privés) d’énergies prétendument propres produites par le photovoltaïque et l’éolien sur des terres de qualité agronomique, constituerait une grave erreur, car ne créant aucun emploi et de surcroît mettant à mal la capacité de production de nos agriculteurs et la qualité de notre environnement.
Par conséquent, si nous voulons remédier à cette hémorragie, c’est la force d’exigence des élus locaux rassemblés dans une approche consensuelle qui fera la différence face aux pouvoirs en place souvent insensibles à la dégradation d’un territoire qui tend à se paupériser. Ce mouvement concerté doit mobiliser sans exclusion tous les partenaires économiques et sociaux, grandes entreprises, PME, artisans, commerçants, agriculteurs, structures de formation, représentants des salariés, chambres consulaires, etc. C’est de l’union de tous que surgira la relance de l’attractivité de l’ouest vosgien dans l’intérêt vital des femmes et des hommes qui veulent continuer à y travailler et à y vivre.
Par ailleurs, les entreprises présentes sur notre territoire, elles aussi doivent être appelées à s’impliquer dans la gestion sociale anticipatrice de leurs mutations industrielles en concertation avec les collectivités locales de façon à créer du “gagnant-gagnant” et à ouvrir des perspectives solidaires profitables à tous, entreprises, particuliers et collectivités. Mener à bien cette nouvelle politique de gestion, c’est l’objectif que nous soumettons à Nestlé Waters, premier groupe mondial de l’agroalimentaire, tout comme à la Fromagerie de l’Ermitage, Cérélia (ex-Eurovita), Rians, Piz’Wich Europe, Elivia, Ol-Manufacturing… Toutes ces entreprises ont à entamer une réelle réflexion pour s’adapter aux mutations techniques et technologiques auxquelles elles seront inévitablement confrontées, et offrir à leurs salariés des perspectives plus sereines avec des garanties de pérennité de leur emploi.
Une situation économique de toute évidence difficile pour l’emploi, paradoxalement, tant dans la demande que dans l’offre; oui, une situation difficile, à la fois pour les employeurs et pour les familles !
Pourtant les atouts de notre territoire sont indéniables :
- notre environnement, avec des locaux qui sont ou deviendront disponibles et adaptés à d’autres productions sans besoin d’en créer ; les énergies sont là, les services de maintenance existent, les supports logistiques sont présents, les services annexes aussi, la sécurité est active.
- la localisation de Vittel-Contrexéville et de l’Ouest Vosgien, d’une manière plus générale, est optimale dans l’Est, proche des bassins de consommation et des pays européens voisins, desservie par le réseau ferré dans les usines et par le réseau routier et autoroutier aux portes des sites de production.
- la qualité du potentiel humain vosgien et sa capacité à s’investir au travail sont reconnues : avantage indéniable à prendre en compte dans toute production.
Toutes ces potentialités, les élus, unis, doivent les réaffirmer avec force et exigence à l’Etat et aux exécutifs de la région Grand Est et du département des Vosges afin d’enrayer le mouvement de désindustrialisation que nous avons subi et subissons encore, notamment dans l’ameublement, l’embouteillage de l’eau, le thermalisme, le Club Med, la restructuration militaire, etc., et finalement maintenir de la vie dans nos communes rurales.
La preuve que c’est possible : en 1989, j’ai créé une association de développement sur les trois cantons de Bulgnéville, Châtenois et Vittel, devenue en 1992 la première communauté de communes des Vosges et de Lorraine parce que j’avais la conviction que c’est dans l’union que l’on gagne les combats économiques au service de nos concitoyens. Les communes et l’économie du secteur ont pu bénéficier, grâce au contrat de développement régional, de fonds européens jusque-là non utilisés chez nous; cela a aussi rendu le territoire intercommunal éligible aux ORAC pour financer des opérations de restructuration de l’artisanat et du commerce, aux premières OPAH (opérations programmées de l'amélioration de l'habitat), à l’éligibilité ZRR (zones de revitalisation rurale)... Notre secteur a alors connu un essor gagnant en termes de développement local.
Nous nous souvenons bien qu’à ce moment-là cette démarche, pourtant constructive, avait déplu à certains esprits chagrins. Il n’en demeure pas moins, c’est bien la preuve par l’exemple, qu’il n’y a pas de fatalité : tout repose sur la volonté des élus en concertation avec le monde économique et les pouvoirs publics.
Voilà ce qu’il convient de réaffirmer maintenant aux pouvoirs en place ! C’est la démarche que je vous suggère de mener ensemble au sein d’un nouveau comité de veille socio-économique, sous la forme d’une association de bénévoles dont le cadre juridique sera à définir : c’est le but de cette correspondance.
Aujourd’hui, c’est parce que je ne peux me résoudre à n'être qu'un simple observateur passif du déclin du territoire qui m’a vu naître et auquel mon attachement, vous le savez, est profond, que je vous propose de prendre ensemble nos problèmes en main ! Nous connaissons clairement notre situation, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Agissons… maintenant !”
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